Juni 16, 2011

184 Jahre Élie Reclus

Immer etwas im Schatten seines jüngeren Bruders, des anarchistischen Geographen Elisée Reclus, stehend, ist auch Jean-Pierre Michel, genannt Élie Reclus eine durchaus spannende Figur des französischen Anarchismus des 19. Jahrhunderts und ein interessanter und talentierter Autor. Der Sohn eines kalvinistischen Pastoren war u.a. Leiter der französischen Nationalbibliothek während der Pariser Kommune (seine Schilderungen dieser Ereignisse sind im posthum erschienenen La Commune de Paris au jour le jour erhalten) und wie sein Bruder eine wissenschaftliche Koryphäe. Neben Schriften zur Ethnologie, Religions- und Kulturgeschichte schrieb der ältere Reclus auch Reiseberichte, so etwa über seine Reise nach Ägypten im Jahr 1869. Hieraus ein Auszug über das politisch-soziale System und die Zukunftsaussichten des Lands am Nil:

"Quel sort l'avenir réserve-t'il à l'Egypte? Oserait-on en préjuger par l'importance de son rôle dans le passé? Ce serait téméraire de l'affirmer, car l'histoire n,'aime pas à se répéter. Mais on sort à peine du cercle des bonnes et fortes vérités, si appréciées par l'excellent M. de la Palisse, en affirmant que les mêmes causes produisent toujours les mêmes effets, que la situation de l'Egypte a fait son importance, et que la géographie ne changera guère. Nous venons d'assister à l'inauguration du canal maritime qui met Suez à moitié route entre Paris, Londres, Bombay, Calcutta, Sidney. Depuis le commencement du siècle, Alexandrie et Le Caire ont augmenté énormément en population et, augmentent tous,les jours. Hier, le Caire était la vraie ville des Mille et une Nuits. Aujourd'hui, on voit encore les boutiques du barbier et du tailleur, la cahute du pêcheur, mais déjà on ouvre de larges chaussées rectilignes a travers les ruelles et les boutiques, à travers les jardins et les mosquées. Le Caire se reconstruit et ne peut faire autrement. Et dans vingt ans, dans dix ans peut-être, ce sera une grande ville à demi-européenne. Qu'ils se hâtent, les amateurs du pittoresque, les fervents de l'art arabe, qu'ils visitent vite ce qui n'est pas encore tombé, ce qui n'est pas encore renversé. Bientôt, elle ne sera plus qu'un vain souvenir, cette cité curieuse qui nous conserve tout vivant le moyen-âge des sultans et califes, des Saladin et Nourheddin, et qui, par contre-coup, nous explique notre propre moyen-âge chrétien.
La position de l'Egypte entre deux mers et trois parties du monde lui donnera toujours une importance capitale. Mais qui peut prophétiser l'avenir de l'Egypte, puisqu'on ignore même son passé? Les spécialistes s'accordent à dire qu'ils 'n'en savent que les premiers mots. Ils hésitent à lui assigner une durée de quarante ou de cinquante siècles. Entre leurs mains, ils tiennent la clef qui ouvre les sceaux du livre des mystères, mais ils n'ont pas, encore  eu le temps de le lire. Non moins obscure est la situation actuelle.
Quelques initiés la connaissent plus ou moins; mais, comme l'Harpocrate des hiéroglyphes, ils se taisent, un doigt dans la bouche, et le sucent diligemment. Tous les fonctionnaires que j'ai pu interroger, je les ai trouvés d'une discrétion à toute épreuve, celle de l'ignorance.
En débarquant ici, je croyais comme tout le monde, que l'Egypte en était encore au temps de Joseph et des Pharaons, et que,confisquée par Méhémet-Ali, en 1808 (sauf les biens Wakouf, ou de main morte appartenant aux mosquées), la propriété foncière, restait confisquée entre les mains de ses successeurs. Cela n'est pas. Le pacha actuel est le grand propriétaire du pays, le fabricant par excellence; il jouit d'énormes monopoles; mais de fait et de droit, il n'est aujourd'hui ni le seul fabricant, ni le seul propriétaire. Après la réforme partielle, effectuée en Turquie dans l'année 1856, Saïd Pacha, dépassant son suzerain, opéra en 1858, une révolution légale, reconnaissant aux fellahs et à certains détenteurs de biens féodaux, princes du sang, favoris, héritiers et successeurs des Maméloucks, la propriété du sol qu'ils cultivaient ou détenaient, et par conséquent le droit de transmettre les biens fonds en héritage, de les vendre et de les engager. La transmission héréditaire fut même reconnue aux fellahs qui occupaient les terres Mirieh ou appartenant à l'État, aussi bien pour les femmes que pour les héritiers mâles, à charge seulement de payer l'impôt. Les sous-locations furent licites et aussi la mise en commun des cultures, mais pour un terme n'excédant pas trois années, et moyennant l'agrément de l'autorité locale. Méhémet-Ali avait déjà enlevé aux mosquées la plupart de leurs biens de main-morte se chargeant d'entretenir lui-même les imans, les hôpitaux et les écoles. Ces dispositions furent maintenues et même étendues par Saïd, qui révoqua les donations de terrains arabes faites depuis aux mosquées et les remit aux occupants. Cependant il n'osa toucher qu'aux terrains de culture, prétendant ignorer ceux des villes, de sorte que les biens frappés de main morte sont encore nombreux en Égypte. On cite le Wakouf de Karenem comme possédant d'énormes revenus.
Ce fut un immense changement qui mérita d'autant mieux le nom de révolution que le droit d'hypothèque est tout à fait contraire aux maximes de la Chérieh, droit ecclésiastique, fondé sur le Coran et la Sunna ou tradition, qui ont toujours force de loi, et qui ont pour représentants les cadis ou juges religieux; tandis que les tribunaux de création politique, civile et commerciale s'appellent divans ou medjlis. Ces derniers prennent et doivent prendre tous lés jours une importance plus haute, car c'est par leur intermédiaire, que l'industrialisme européen et les conditions sociales modernes acquièrent existence légale. Mais leur divergence avec les tribunaux religieux ne peut que s'accroître et prendre le caractère de l'hostilité. Ainsi le Code de commerce ottoman, adoptant les principes du Code français, a dû se passer de l'approbation des mouftis, qui lui ont refusé net un certificat d'orthodoxie et, privée de l'approbation religieuse, la nouvelle loi est naturellement sans autorité auprès des cadis qui ne la reconnaissent même pas. Cela promet des complications. L'édit de Saïd constitua la liberté de commerce; les spéculateurs européens purent désormais se fixer et s'implanter dans le sol comme propriétaires, droit que les Anglais ne possèdent pas encore dans tout leur empire de l'Inde. Cette loi tend à la pénétration pacifique des deux races l'une par l'autre, au mariage des deux civilisations. Elle a largement contribué aux progrès matériels de l'Egypte, qu'on aurait tort de n'attribuer qu'à la tente des cotons pendant la guerre américaine. je lui a permis de supporter la récente épizootie qui, d'un coup, avait enlevé presque tous les bestiaux.
Quant aux fellahs, pour apprécier là modification introduite dans leur sort, il faut les comparer aux paysans de Turquie, que la loi de 1856 a, jusqu'à un certain point, soustraits à l'arbitraire des grands et petits fiefs féodaux, les Zimmets et les Timars, mais auxquels, même sous le nouveau système, il est interdit de bâtir ni de planter. Ils ne peuvent rien innover, rien améliorer, de peur de créer une propriété étrangère sur le sol appartenant au prince. Cette valeur additionnelle, le fellah pourra la créer, il acquerra la plus-value ou partie de la plus-value donnée au sol par son travail, et, devenant propriétaire, il s'émancipera dans l'exacte mesure suivant laquelle la propriété peut émanciper la personne. Le droit d'expropriation reste entier dans les cas d'utilité publique et moyennant indemnité.
Ce n'est pas qu'on puisse chanter victoire, et penser que tout est bien en Egypte dans le meilleur des mondes. Pratique et théorie sont deux. Le gouvernement est assez absolu pour se passer toutes les fantaisies, même celle de se constituer en quasi parlementarisme au moyen d'une espèce d'assemblée des notables. Cela ne tire pas à conséquénce; ce n'est qu'une passementerie constitutionnelle que le khédive a fait coudre à son manteau de pourpre. Ce qu'un despotisme intelligent à pu octroyer, un despotisme inintelligent peut toujours le reprendre. Les statuts qui réglementaient, c'est-à-dire qui supprimaient la liberté d'aller et de venir du fellah, n'ont été modifiés qu'en partie. Le fellah n'est plus, à la vérité, le serf de la glèbe, mais il est resté le serf de l'impôt. Des lois l'empêchent de quitter des terres imposées pour une terre non imposée. Or, les terres non imposées ne sont pas encore sous culture, de sorte, que, pour assurer la perception de l'impôt, on empêche la matière imposable de s'accroître.
Du produit de toute terre cultivée, deux parts sont toujours faites, l'une pour le producteur local et spécial, l'autre pour l'État, ou l'ensemble des producteurs. Le tout est de faire équitablement les deux parts, de proportionner le revenu collectif à l'ensemble des revenu particuliers. L'inique impôt d'Égypte est passé en proverbe. Il est de 25 francs par tête, de 125 par famille. Celui d'Italie n'est pas plus considérable, 27 francs par tête, 135 par famille. Mais ce n'est là que le chiffre brut de l'impôt. Ce qu'il importerait de savoir, c'est la proportion de l'impôt au revenu. Si l'Égyptien paie 25 francs d'impôt sur un revenu de 100 francs, et si l'italien paie 25 francs sur 1,000 francs, les deux impôts ne sont point égaux; l'un est dix fois plus lourd que l'autre. En réalité, il l'est bien davantage,car il n'est pas de comparaison entre un impôt qu'on paie sur le nécessaire et un impôt sur le superflu; il n'est pas de comparaison entre un impôt de 50 francs payés à la porte de Paris, sur une barrique de mauvais vin ayant coûté 25 francs, et 50 autres francs payés sur une barrique de 500 francs. Le Français paie un septième environ de son revenu au gouvernement, l'Anglais n'en paie que le neuvième; suivant la loi des carrés inverses, c'est comme si l'Anglais payait 49 quand le Français paie 81. A ce compte, l'impôt payé par le fellah est vraiment énorme, n'étaient la sobriété fabuleuse, la gaîté vraiment inaltérable de cette vivace population, n'était le plus beau ciel du monde, et la miraculeuse fertilité du limon nilotique, la misère serait affreuse et, depuis longtemps, elle eût été absolument insupportable."
(Auszug aus: "Voyage au Caire et dans la Haute-Egypte", in La philosophie positive, vol. IV, No. 1, Juli-August 1870, S.140-143.)

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