Zur Einführung und zur Frage des Geburtsjahres Bellegarrigues sei auf letztjährigen Blogpost verwiesen. Auch dieses Jahr bringe ich einen Auszug aus dem Manifeste de l'anarchie (1850):
Que le peuple n'a rien à attendre d'aucun parti
Mais la disparition du gouvernement, l'anéantissement de l'institution gouvernementale, le triomphe de la liberté dont tous les partis parlent, ne feraient réellement l'affaire d'aucun parti, car j'ai surabondamment prouvé qu'un parti, par cela seul qu'il est parti, est essentiellement gouvernemental. Aussi les partis se gardent-ils de laisser croire au peuple qu'il peut se passer de gouvernement. De leur polémique quotidienne, il résulte, en effet, que le gouvernement agit mal, que sa politique est mauvaise, mais qu'il pourrait agir mieux, que sa politique pourrait être meilleure. En fin de compte, chaque journaliste laisse au fond de ses articles cette pensée: si j'étais là, vous verriez comment je gouvernerais!
Eh bien! voyons si véritablement il y a une manière équitable de gouverner; voyons s'il est possible d'établir un gouvernement dirigeant et d'initiative, un pouvoir, une autorité sur les bases démocratiques du respect individuel. Il m'importe d'examiner à fond cette question, car j'ai dit tout à l'heure que le peuple n'avait rien à attendre d'aucun gouvernement ni d'aucun parti et j'ai hâte d'en venir aux preuves.
Nous voilà en 1852; le pouvoir que vous espérez avoir, vous montagne, vous socialisme, vous modérés même - je n'y tiens pas - vous l'avez. La majorité est imposante à gauche, je m'en applaudis; soyez les bienvenus. Compliments faits, comment entendez-vous la besogne?
Je vous fais grâce de vos divisions intestines; je m'abstiens de voir parmi vous Girardin, Proudhon, Louis Blanc, Pierre Leroux, Considérant, Cabet, Raspail ou leurs disciples; je suppose qu'il règne parmi vous une parfaite union, pour vous servir je suppose l'impossible, car je veux, avant tout, faciliter le raisonnement.
Vous voilà donc d'accord, qu'allez-vous faire?
Élargissement de tous les prisonniers politiques; amnistie générale. Bien. Vous n'excepterez pas les princes, sans doute, car vous auriez l'air de les craindre et cette crainte trahirait une défiance de vous-mêmes; ce serait avouer qu'on pourrait bien vous les préférer, aveu qui impliquerait l'incertitude d'accomplir le bien général.
Les injustices une fois réparées dans l'ordre politique, abordons l'économie et la sociabilité.
Vous ne ferez pas banqueroute, cela va sans dire, c'est vous qui avez récriminé contre M. Fould; l'honneur national que vous entendez à la façon de Garnier-45 centimes vous fera un devoir de respecter la Bourse au détriment de trente-cinq millions de contribuables; la dette créée par les monarchies a un trop noble caractère pour que tout le peuple français ne doive pas se saigner annuellement de quatre cent cinquante millions au profit d'une poignée d'agioteurs. Vous commencerez donc par sauver la dette, nous serons ruinés mais honorables, ces deux qualifications ne s'accordent guère par le temps qui court; mais, enfin, c'est encore du vieux temps que vous faites, et le peuple obéré, comme devant, en pensera cet qu’il voudra.
Mais, j'y pense, vous devez avant tout exonérer les pauvres, les travailleurs, les prolétaires; vous arrivez avec une loi contributive sur les riches. À la bonne heure! je suis capitaliste et vous me demandez un pour cent, diable! comment me tirer de là? Tout bien réfléchi, ce n'est pas moi qui utilise mon capital, je le prête à l'industrie; l'industriel en ayant grand besoin, ne laissera pas de le prendre pour un pour cent en plus, c'est donc sur lui que je me déchargerai de la contribution. L'impôt sur le capital tombe net sur le nez du travail.
Je suis rentier et vous frappez le coupon, ceci est inquiétant, par exemple. À tout prendre, cependant, il y a un moyen de s'en tirer. Qui est-ce qui doit? C'est l'Etat. Puisque c'est l'Etat, le malheur n'est pas grand; l'impôt qui pèse sur le coupon déprécie immédiatement d'autant la valeur de ce coupon; le coupon étant déprécié au préjudice du débiteur qui est l'Etat et au profit du trésor qui est l'Etat; l'Etat tire de sa poche pour mettre dans sa caisse et il reste quitte et moi aussi. Le tour est très joli et j'avoue que vous êtes d'une belle force.
Je suis propriétaire de maisons de ville et vous imposez mes appartements; à cela je n'ai rien, absolument rien à dire. Vous vous arrangerez avec mes locataires; car vous ne me supposez pas, sans doute, assez sot pour ne pas me couvrir de l'impôt sur le loyer.
Le mot le plus dépourvu de sens qui ait été prononcé depuis la révolution de février c'est celui-ci: L'IMPÔT SUR LES RICHES ! Mot, sinon pervers, du moins profondément irréfléchi. Je ne sais ce qu'on appelle les riches dans un pays comme celui-ci où tout le monde est endetté et où l'état des mœurs pousse la plupart des propriétaires, rentiers et capitalistes, à dépenser, par an, plus que leur revenu. En tout cas, le riche admis, je vous défie de l'atteindre, vos tentatives sur lui n'indiquent qu'une grossière ignorance des lois élémentaires de l'économie sociale et de la solidarité des intérêts. Le coup que vous voudrez porter au riche ira frapper sur l'industriel, sur le prolétaire, sur le pauvre. Voulez-vous exonérer le pauvre? N'imposez personne. Administrez la France avec 180 ou 200 millions, comme s'administrent les Etats-Unis; or, 200 millions dans un pays comme la France se trouve sans qu'on y prenne garde; n'en donnons-nous pas cent rien que pour fumer de mauvais cigares?
Mais, pour cela, il ne faudrait qu'administrer et vous voulez gouverner: c'est bien autre chose. Frappez donc les riches, après quoi vous réglerez vos comptes avec les pauvres.
Déjà, la formation de votre budget vous met sur les bras bon nombre de mécontents; ces questions d'argent, voyez-vous, sont fort délicates. Enfin, passons outre.
Proclamez-vous la liberté illimitée de la presse? Cela vous est interdit. Vous ne changerez pas la base de l'impôt, vous ne toucherez pas à la fortune publique sans prêter le flanc à une discussion de laquelle vous ne sortiriez pas ingambes. Je me sens personnellement disposé à prouver, clair comme le jour, votre impéritie sur ce point et votre propre conservation vous ferait un impérieux devoir de me faire taire, sans compter que vous feriez bien.
La presse ne serait donc pas libre, pour cause de budget. Aucun gouvernement à gros budget ne peut proclamer la liberté de la presse; cela lui est expressément défendu. Les promesses ne vous manqueront pas; mais promettre n'est pas tenir, demandez à M. Bonaparte.
Vous garderez évidemment le ministère de l'instruction publique et le monopole universitaire; seulement, vous dirigerez exclusivement l'enseignement dans le sens philosophique, déclarant une guerre atroce au clergé et aux jésuites, ce qui fait que je deviendrai jésuite contre vous, comme je me fais philosophe contre M. de Montalembert, au nom de ma liberté, qui consiste à être ce qu'il me plaît d'être, sans que ni vous ni les jésuites aient rien à y voir.
Et les cultes, aboliriez-vous le ministère des cultes? J'en doute. Je m'imagine que, dans l'intérêt des gouvernomanes, vous créeriez plutôt des ministères que d'en supprimer. Il y aurait un ministère des cultes comme aujourd'hui et je payerai le curé, le ministre et le rabbin parce que je ne vais ni à la messe, ni au prêche, ni à la cène.
Vous conserveriez le ministère du commerce, celui de l'agriculture, celui des travaux publics, celui de l'intérieur surtout, car vous auriez des préfets, des sous-préfets, une police d'Etat, etc., et en gardant et dirigeant tous ces ministères, qui constituent précisément la tyrannie d'aujourd'hui; cela ne vous empêcherait pas de dire que la presse, l'instruction, les cultes, le commerce, les travaux publics, l'agriculture sont libres. Mais on en dit autant dans ce moment. Que feriez-vous qu'on ne fasse pas à l'heure qu'il est? Ce que vous feriez, je vais vous le dire: au lieu d'attaquer, vous vous défendriez.
Je ne vous vois d'autres ressources que de changer tout le personnel des administrations et des parquets, et d'agir à l'égard des réactionnaires comme les réactionnaires agissent envers vous. Mais ceci ne s'appelle pas gouverner, ce système de représailles constitue-t-il le gouvernement? Si j'en juge par ce qui se passe depuis quelque soixante ans, si je me rends bien compte de la seule chose que vous ayez à faire en devenant gouvernement, j'affirme que gouverner n'est rien autre chose que se battre, se venger, châtier. Or, si vous ne vous apercevez pas que c'est sur nos épaules que vous êtes battus et que vous battez vos adversaires, nous ne saurions, pour notre part, nous le dissimuler et j'estime que le spectacle doit tirer à sa fin.
Pour résumer toute l'impuissance d'un gouvernement, quel qu'il soit, à faire le bien public, je dirai: qu'aucun bien ne peut sortir que des réformes. Or, toute réforme étant irrémissiblement une liberté, et toute liberté étant une force acquise au peuple et, par contre, une atteinte à l'intégrité du pouvoir, il s'ensuit que la voie des réformes qui, pour le peuple, est la voie de la liberté, n'est, pour le pouvoir, que la voie fatale de la déchéance. Si donc vous disiez que vous voulez le pouvoir pour opérer des réformes, vous avoueriez du même coup que vous voulez atteindre la puissance dans le but prémédité d'abdiquer la puissance. Outre, que je ne trouve pas dans moi assez de sottise pour vous croire autant d'esprit que cela, je découvre qu'il serait contraire à toutes les lois naturelles ou sociales et principalement à celle de la conservation propre, à laquelle nul être ne peut faillir, que des hommes investis de la puissance publique se dépouillassent, de leur plein gré, et de l'investiture et du droit princier qu'elle leur concède de vivre dans le luxe sans se fatiguer à le produire. Allez raconter vos balivernes ailleurs.
Votre gouvernement ne peut avoir qu'un objet: vous venger de celui-ci, tout comme celui qui vous suivra ne pourra avoir qu'un but: se venger de vous. L'industrie, la production, le commerce, les affaires du peuple, les intérêts de la multitude ne s'accommodent pas de ces pugilats; je propose qu'on vous laisse seuls vous luxer les mâchoires et que nous allions à nos affaires.
Si le journalisme français veut être digne du peuple auquel il s'adresse, il doit cesser d'ergoter sur les déplorables reins de la politique. Laissez les rhéteurs fabriquer à leur aise des lois que les intérêts et les mœurs déborderont, quand il vous plaira de ne pas interrompre, par vos criailleries inutiles, le libre développement des intérêts et la manifestation des mœurs. La politique n'a jamais appris à personne le moyen de gagner honorablement son dîner; ses préceptes n'ont servi qu'à stipendier la paresse et à encourager le vice. Ne nous parlez donc plus de politique. Remplissez vos colonnes d'études économiques et commerciales; dites-nous ce qui a été inventé d'utile; ce que, dans un pays quelconque, on a découvert de matériellement ou de moralement profitable à l'accroissement de la production, à l'amélioration du bien-être; tenez-nous au courant des progrès de l'industrie, afin que nous puisions, dans ces renseignements, les moyens de gagner notre vie et de la placer dans un milieu confortable. Tout cela nous importe plus, je vous le déclare, que vos dissertations stupides sur l'équilibre des pouvoirs et sur la violation d'une Constitution qui, restât-elle vierge, ne me paraît pas, à vous parler franchement, fort digne de mon respect.
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