Nur wenige Tage nach Kropotkins Geburtstag steht auch der Geburtstag eines weiteren maßgeblichen Anarchokommunisten an, in diesem Fall Errico Malatesta, Zeitgenosse und Weggefährte Bakunins und des schon genannten, Mechaniker, Schlosser, Eisverkäufer, Krankenpfleger, ein bewegtes Leben in jeglicher Hinsicht. Gegenüber Kropotkin kann man Malatesta zu Gute halten, dass er dessen mechanistisch-szientistische Weltsicht trotz aller Freundschaft offen ablehnte und kritisierte, so z.B. auch in einem späten Aufsatz über Kropotkin aus den Studi sociali vom 15. April 1931. Hieraus ein Auszug nach einer im Web kursierenden französischen Übersetzung, in direkter Gegenüberstellung zum Kropotkin-Text der letzten Woche:
Kropotkine était en même temps un savant et un réformateur social. Il était possédé par deux passions : le désir de connaître et le désir de faire le bien de l'humanité, deux passions nobles qui peuvent être utiles l'une à l'autre et qu'on voudrait voir en tous les hommes sans qu'elles soient pour autant une seule et même chose. Mais Kropotkine était un tempérament systématique au plus haut degré et voulait tout expliquer par un même principe et tout réduire à l'unité, et il le faisait souvent, à mon avis, aux dépens de la logique. C'est pour cela qu'il appuyait toutes ses aspirations sociales sur la science ; aspirations qui n'étaient, selon lui, que des déductions rigoureusement scientifiques.
Je n'ai aucune compétence spéciale pour juger Kropotkine en tant qu'homme de science. Je sais qu'il avait dans sa jeunesse rendu des services remarquables à la géographie et à la géologie, j'apprécie la grande valeur de son livre sur 'l'entr'aide' et je suis convaincu qu'il aurait pu, avec sa vaste culture et sa haute intelligence, donner une plus grande contribution aux progrès scientifiques si son attention et son activité n'avaient pas été absorbées par la lutte sociale. Cependant, il me semble qu'il lui manquait quelque chose pour être un vrai homme de science : la capacité d'oublier ses désirs, ses partis pris, pour observer les faits avec une impassible objectivité. Il me paraissait plutôt ce que j'appellerais volontiers un poète de la science. Il aurait pu, par des intuitions géniales, entrevoir de nouvelles vérités qui auraient pu être vérifiées par d'autres ayant moins ou point de génie, mais qui auraient été mieux dotés de ce qu'on appelle l'esprit scientifique. Kropotkine était trop passionné pour être un observateur exact.
D'habitude il concevait une hypothèse et cherchait par la suite les faits qui auraient dû la justifier. C'était peut-être une bonne méthode pour découvrir des choses nouvelles mais il lui arrivait de ne pas s'apercevoir des faits qui contredisaient cette hypothèse.
Il ne savait pas se décider à admettre un fait et ne savait même pas souvent le prendre en considération, si auparavant il n'était pas arrivé à l'expliquer, c'est à dire à le faire entrer dans son système. [...]
Avec cette disposition d'esprit qui le poussait à accommoder les choses à sa guise dans les problèmes scientifiques, dans lesquels il n'y a pas de passions qui puissent influencer l'intellect, on pouvait prévoir ce qui se serait passé pour des questions qui auraient touché de près ses plus grands désirs et espérances.
Kropotkine professait la philosophie matérialiste qui prévalait parmi les savants de la 2e moitié du XIXe siècle : Moleschott, Buchner, Vogt, et par conséquent sa conception de l'univers était rigoureusement mécanique.
Suivant son système, la volonté (puissance créatrice dont nous ne pouvons pas comprendre la nature et l'origine, comme d'ailleurs nous ne comprenons pas la nature et l'origine de la matière et de tous les autres 'principes premiers') la volonté donc, qui contribue peu ou prou à déterminer la conduite des individus et des sociétés, n'existait pas et n'était qu'une illusion. Tout ce qui fut, qui est et qui sera, des cours des planètes, de la naissance d'une civilisation à sa décadence, du parfum d'une rose au sourire d'une mère, d'un tremblement de terre à la pensée de Newton, de la cruauté d'un tyran à la bonté d'un saint, tout devait, doit et devra se produire par un enchaînement fatal de causes et d'effets de nature mécanique, qui ne laissent aucune possibilité de variation. L'illusion de la volonté ne saurait être elle-même qu'un fait mécanique.
Naturellement, si la volonté n'a aucune puissance et si tout est nécessaire et que rien ne peut être autrement, les idées de liberté et de justice n'ont plus aucune signification, ne correspondent à rien de réel.
Suivant cette logique, on ne pourrait que contempler ce qui se passe dans le monde avec indifférence, plaisir ou douleur, selon sa propre sensibilité mais sans aucun espoir et sans possibilité de changement.
Kropotkine donc, qui se montrait très sévère envers le fatalisme marxiste, tombait ensuite dans un fatalisme mécanique qui paraît bien plus paralysant.
Mais la philosophie ne pouvait pas tuer la puissante volonté qui animait Kropotkine. II était trop convaincu de la vérité de son système pour y renoncer ou simplement supporter tranquillement qu'on puisse le mettre en doute, mais il était trop désireux de liberté et de justice pour se laisser arrêter par les difficultés d'une contradiction logique et pour renoncer à la lutte. Il s'en sortait en introduisant l'anarchie dans son système et en en faisant une vérité scientifique.
Il se confirmait dans ses convictions en soutenant que toutes les découvertes récentes, dans toutes les sciences, de l'astronomie à la biologie et à la sociologie, permettaient de démontrer de plus en plus que l'anarchie était le mode d'organisation sociale imposé par les lois naturelles.
A cela on pouvait répondre que quelles que puissent être les conclusions qu'il pouvait tirer de la science contemporaine, il était certain que si de nouvelles découvertes étaient venues détruire les croyances scientifiques actuelles, il serait resté anarchiste malgré la science ; tout comme il était anarchiste en dépit de la logique. Mais Kropotkine n'aurait pas su admettre un conflit entre la science et ses aspirations sociales et il aurait inventé un moyen, peu importe qu'il eut été logique ou non, pour concilier sa philosophie mécanique avec son anarchisme.
Ainsi, après avoir affirmé que 'l'anarchisme est une conception de l'univers fondée sur l'interpénétration mécanique des phénomènes embrassant toute la nature y compris la vie en société' (j'avoue n'être jamais arrivé à comprendre ce que cela signifiait) Kropotkine oubliait sa conception mécanique et se lançait dans la lutte avec la verve, l'enthousiasme et la confiance de quelqu'un qui croit en l'efficacité de la volonté et espère pouvoir par son activité contribuer à obtenir ce qu'il désire."
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