Januar 15, 2013

204 Jahre Pierre-Joseph Proudhon

Impôt et Rente.
On n’a rien laissé à dire sur l’impôt ; toutes les combinaisons dont il est susceptible ont été essayées, proposées, discutées ; et, quoi qu’on ait fait et qu’on ait dit, il est resté comme une énigme insoluble, où l’arbitraire, la contradiction et l’iniquité se croisent sans fin.
L’impôt foncier agit sur l’agriculture comme le jeûne sur le sein d’une nourrice : c’est l’amaigrissement du nourrisson. Le gouvernement en est convaincu, mais, dit-il, il faut que je vive !
L’impôt des portes et fenêtres est une taxe sur le soleil et l’air, que nous payons en affections pulmonaires, scrofules, autant qu’avec notre argent. Le fisc n’en doute pas, mais, répète-t-il toujours, il faut que je vive !
L’impôt des patentes est un empêchement au travail, un gage donné au monopole.
L’impôt du sel un obstacle à l’élève du bétail, une interdiction de la salubrité.
L’impôt sur les vins, la viande, le sucre et tous les objets de consommation, en élevant arbitrairement le prix des choses, arrête la vente, restreint la consommation, pousse à la falsification, est une cause permanente de disette et d’empoisonnement.
L’impôt sur les successions, renouvelé de la main-morte, est une spoliation de la famille, d’autant plus odieuse que dans la majorité des cas la famille privée de son chef, d’un membre utile, voit sa puissance diminuer, et tombe dans l’inertie et l’indigence.
L’impôt sur le capital, qui a la prétention de simplifier tout en généralisant tout, ne fait que généraliser les vices de tous les autres impôts réunis ; c’est une diminution du capital. La belle idée !…
Pas d’impôt dont on ne puisse dire qu’il est un empêchement à la production, un empêchement à l’impôt ! Et comme l’inégalité la plus criante est inséparable de toute fiscalité, pas d’impôt dont on ne puisse dire encore qu’il est un auxiliaire du parasitisme contre le travail et la Justice. Le pouvoir sait toutes ces choses, mais il n’y peut que faire, et il faut qu’il vive !
Le peuple, toujours dupe de son imagination, est favorable à l’impôt somptuaire. Il applaudit aussi à l’impôt progressif, qui lui semble devoir rejeter sur la classe riche le fardeau qui écrase le peuple.
Je ne connais pas de spectacle plus affligeant que celui d’une plèbe menée par ses instincts.
Quoi ! vous voulez qu’on dégrève les patentes, les loyers, le taux de l’intérêt, les taxes de douane, les droits de circulation et d’entrée, toutes réformes qui naturellement permettraient de produire en plus grande quantité les objets dits de luxe, et, cela fait, vous demandez qu’on rançonne ceux qui les achètent ! Savez-vous qui payera l’impôt de luxe ? L’ouvrier de luxe ; cela est de nécessité mathématique et commerciale.
Vous voulez qu’on impose la richesse à mesure qu’elle se forme, ce qui signifie que vous défendez à quiconque de s’enrichir, à peine de confiscation progressive. Franchise au pain d’avoine, taxe sur le pain de froment : quelle perspective encourageante ! quelle économie !
On parle beaucoup d’un impôt sur les valeurs mobilières. En matière d’impôt, il est difficile d’imaginer rien de plus agréable au peuple, qui généralement ne touche pas de dividendes. Le principe conduirait à imposer le revenu des cautionnements, l’intérêt de la dette consolidée et de la dette flottante, les pensionnaires de l’État, ce qui équivaudrait à une réduction générale des rentes et traitements. Mais ne craignez pas que le fisc procède avec cette généralité, ni qu’il fasse grand mal aux capitalistes que la mesure doit atteindre. Réduire, par l’impôt, le capital à la portion congrue, après l’avoir appelé dans la commandite et l’emprunt par l’appât d’un fort bénéfice, serait une contradiction choquante, qui perdrait le crédit de l’État et des compagnies et disloquerait la système.
Il y a des riches, soi-disant amis du peuple, qui trouvent ces inventions superbes : hypocrites, qui savent à fond comment on leurre la multitude, et qui dans la conscience de leur iniquité jugent prudent de faire eux-mêmes à la misère populaire la part du feu !
La balance des produits et des besoins, de la circulation et de l’escompte, du crédit et de l’intérêt, de la commandite, du droit d’invention et du risque d’entreprise, est-elle faite ? Si oui, vous n’avez plus rien à demander à l’industrie et au commerce, rien à leurs actionnaires, rien à l’anonyme. Si non, il faut la faire : jusque là votre projet d’impôt ne peut servir qu’à sauvegarder le parasitisme, en ayant l’air de le frapper : c’est une jonglerie.
Je disais à un de ces habiles :
Il existe, en dehors de la série fiscale, une matière imposable, la plus imposable de toutes, et qui ne l’a jamais été ; dont la taxation, poussée jusqu’à l’absorption intégrale de la matière, ne saurait jamais préjudicier en rien ni au travail, ni à l’agriculture, ni à l’industrie, ni au commerce, ni au crédit, ni au capital, ni à la consommation, ni à la richesse ; qui, sans grever le peuple, n’empêcherait personne de vivre selon ses facultés, dans l’aisance, voire le luxe, et de jouir intégralement du produit de son talent et de sa science ; un impôt qui de plus serait l’expression de l’égalité même.
— Indiquez cette matière : vous aurez bien mérité de l’humanité.
— La rente foncière.
Allons, faux philanthrope, laissez-là votre impôt somptuaire, votre impôt progressif, et toutes vos adulations à la multitude envieuse ; imposez la rente de tout ce dont vous voudriez dégrever les autres impôts : personne n’en ressentira de gêne. L’agriculture demeurera prospère ; le commerce n’éprouvera jamais d’entraves : l’industrie sera au comble de la richesse et de la gloire. Plus de privilégiés, plus de pauvres : tous les hommes égaux devant le fisc comme devant la loi économique… (...)
(aus De la Justice dans la Révolution et dans l'Eglise, erster Band, Teil 3, Kapitel VI, Abschnitt XXXIII, Paris, 1858, S.313-316).

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