November 20, 2010

148 Jahre Georges Palante

Die meisten der französischen Individualisten respektive Individualanarchisten, von denen ich hier bereits einige vorgestellt habe, sind heute weitestgehend vergessen. Eine Ausnahme bildet jedoch Georges Palante, der Ende der 1980er von Michel Onfray wieder entdeckt wurde (Essai sur un nietzschéen de gauche, 1989) - was man auch immer von dem sog. "libertären Hedonisten" und gleichzeitigem Unterstützer einer "gauche antilibérale" halten mag, das kann man ihn zu Gute halten. Seitdem sind mehrere Publikationen in Frankreich von und über Palante erschienen. Palante ist kein Anarchist (von dem er sich 1907 in Anarchisme et individualisme ausdrücklich distanziert), sondern steht als "Linksnietzscheaner" außerhalb aller Parteien, inklusive des organisierten Anarchismus, was ihn zugleich nicht davon abhält, Artikel in der Revue socialiste zu schreiben und 1908 auf einer sozialistischen Liste als Kandidat an Gemeindewahlen teilzunehmen. Mit der Beziehung zwischen Individualismus und Sozialismus hat sich Palante auch im abschließenden Kapitel seines Précis de sociologie beschäftigt, aus der ich hier zwei Auszüge bringe:

SOCIALISME ET INDIVIDUALISME

Nous pouvons maintenant aborder la question qui domine la Sociologie tout entière : celle des rapports de l'individu et de la société. Nous trouvons ici aux prises les deux doctrines du socialisme et de l'individualisme. Au sens général, le mot socialisme désigne toute doctrine sociale qui subordonne l'individu à la collectivité. Tel est le sens du socialisme platonicien. Dans un sens plus précis et plus moderne, le socialisme est une doctrine qui, par une réforme économique du régime de la propriété, prétend assurer à l'individu une plus grande indépendance matérielle et morale.
L'individualisme est une doctrine qui, au lieu de  subordonner l'individu à la collectivité, pose en principe que l'individu a sa fin en lui-même ; qu'en fait et en droit il possède une valeur propre et une existence autonome, et que l'idéal social est le plus complet  affranchissement de l'individu. L'individualisme ainsi compris est la même chose que ce qu'on appelle encore la philosophie sociale libertaire.
Dans un sens plus étroit, on entend par Individualisme la théorie économique du Laisser-faire (École de Manchester). Quand nous parlerons ici de l'Individualisme, il s'agira de l'individualisme entendu comme philosophie libertaire.
Quels sont les rapports du Socialisme et de l'Individualisme? Il y a beaucoup de points de contact entre le Socialisme et l'Individualisme. Le Socialisme s'inspire dans une large mesure de l'Individualisme, et sur beaucoup  de points s'efforce de lui donner satisfaction. Il se propose l'émancipation économique de l'individu et veut l'arracher aux étreintes du capitalisme. Bien plus, il veut détruire non seulement le capitalisme comme régime économique, mais les institutions et fondations sociales qui sont les conséquences de ce régime: le droit capitalistique et bourgeois qui nous régit, la morale propriétaire et bourgeoise faite dans un intérêt de classe et oppressive de l'individu. Un sociologue allemand a dit à ce sujet : « Sans le libéralisme le socialisme est absolument inconcevable : le socialisme est essentiellement libéral; il s'inspire des idées d'affranchissement et d'émancipation qui sont, de nos jours, la condition et la garantie la plus sûre de son existence. Ce qu'il s'efforce d'obtenir n'est rien moins que l'affranchissement des travailleurs vis-à-vis de la toute-puissance du capital. » [Ziegler, La Question sociale est une question morale, Paris, F. Alcan, p.11]
Ce n'est pas tout. Aujourd'hui le socialisme est encore dans la phase militante. Il est encore un parti d'opposition et de lutte. Aussi défend-il la liberté sur le domaine politique, social, moral, toutes les fois qu'il en trouve l'occasion. Il favorise toutes les lois, toutes les motions, toutes les mesures propices à l'émancipation matérielle, intellectuelle et morale de l'individu. Il cherche volontiers à briser les cadres sociaux et moraux du passé. C'est ainsi que, sur le terrain moral, beaucoup de socialistes sont partisans de l'union libre. (…). Il est donc incontestable qu'aujourd'hui le socialisme représente l'Individualisme et en est l'incarnation sociale la plus puissante. M. Jaurès a très bien mis en lumière cette vérité dans son article de la Revue de Paris: Socialisme et Liberté.
Mais en sera-t-il toujours ainsi? Quand il sera parvenu au pouvoir, quand il sera un parti gouvernant, le socialisme sera-t-il encore libéral et individualiste?
C'est la question qui se pose. Car peut-être alors les germes d'anti-individualisme contenus dans le socialisme se développeront-ils.
Quels sont ces germes?
Il y en a qui sont évidents et sur lesquels les adversaires du Socialisme ont depuis longtemps insisté.
Citons par exemple la manie probable d'administration et de réglementation à outrance; la prétention accrue de la société au droit de contrôler l'activité des individus, l'omnipotence de plus en plus grande de l'opinion qui deviendrait dans le régime socialiste la principale sanction morale. Or, on sait combien l'opinion est aveugle, tyrannique, accessible aux préjugés de toute sorte, combien enfin elle est anti-individualiste.
Un autre point par le Socialisme semble en contradiction avec l'Individualisme, c'est le dogmatisme unitaire, le monisme social et moral il semble tendre infailliblement. On sait en effet que beaucoup de socialistes croient à un monisme final, à une uniformisation économique et morale de l'humanité. M. Jaurès lui-même semble accepter ce point de vue.  Il parle de la «grande paix socialiste », de « l'harmonie qui jaillira du choc des forces et des instincts ». Ce sont de beaux rêves. Mais on sait aussi que tout dogmatisme et tout conformisme social, toute doctrine sociale unitaire sont un péril pour la diversité individuelle, pour la liberté et l'indépendance de l'Individu; car elles visent plus ou moins directement à réclamer le sacrifice de l'Individu à la communauté. Suivant nous, il y a contradiction entre le point de départ individualiste de M. Jaurès et son point d'arrivée, le monisme social final. Parti d'une prémisse libertaire, il aboutit à une espèce de mysticisme social. Proudhon qu'il qualifie de poète et de sophiste a raison contre lui, quand il proclame l'éternité et l'indestructibilité de la catégorie de la diversité et de la lutte. Au fond, Jaurès est un platonicien, malgré son inspiration individualiste initiale. Chez lui, le Socialisme revient finalement à sa forme antique: la subordination de l'Individu à la communauté. Pour nous, nous sommes les adversaires résolus de tout dogmatisme, de tout monisme social, parce que nous les considérons comme une menace pour l'Indépendance de l'Individu et pour l'énergie individuelle. Pour nous dogmatisme et monisme sont synonymes d'absolutisme, de coaction et de contrainte. Tous les dogmatismes sociaux et moraux ont une tendance à devenir tyranniques. Et c'est pourquoi Nietzche a eu raison de protester contre eux au nom de l'instinct de beauté et au nom de l'instinct de grandeur. Ces dogmatismes autorisent le contrôle autoritaire de la conscience individuelle par la conscience sociale, au nom de prétendues règles infaillibles et la mise en quarantaine sociale de ceux qui contreviennent à ces règles. Nous ne disons pas que toutes ces conséquences soient contenues dans la conception socialiste de M. Jaurès. Mais des esprits moins libéraux que lui pourraient les en déduire, et en tout cas elles constituent au sein du Socialisme un péril pour l'Individualisme.
[…]

Le socialisme est légitime et vrai on tant qu'il lutte pour les idées de liberté et d'émancipation individuelles. A ce titre, il n'est qu'un moment dans le développement de l'individualisme. Et il est légitime dans la mesure il est une affirmation de l'Individualisme.
Mais le socialisme a tort s'il croit pouvoir s'immobiliser dans un dogme arrêté, dans une conception unitaire, dans un idéal fixe, s'il se transforme en dogmatisme social. Car alors il prend le caractère de tout dogmatisme, celui d'être pour l'Individu une coaction et une contrainte. Beaucoup de socialistes ont aperçu ce danger et refusent avec raison d'enfermer le socialisme dans une formule dogmatique définitive. Dans un article des Socialistische Monatshefte [octobre 1900] écrit à propos de la mort de Nietzche, M. E. Gystrow repousse le socialisme comme conception immobile et statique, et n'admet la légitimité que d'un socialisme dynamique, d'un socialisme en évolution et se dépassant toujours lui-même. « Le vieux révolutionnaire Engels, dit M. Gystrow, a lui-même fait table rase de la révolution obligatoire. Le mouvement du socialisme vers son but final (Endziel) devait s'accomplir par des voies légales. Ensuite est venu Bernstein, qui a rayé le dogme du « but final »... Tout mouvement a une direction; mais autre chose est direction, autre chose but final.
Un mouvement historique n'est pas une ligne définie,  une parabole ou une spirale d'Archimède, mais une courbe que les plus grands génies de la géométrie analytique essayeraient en vain de déterminer. Il n'y a point en histoire de but final qui, au moment même il serait atteint, ne se trouverait dépassé. Chaque but final ne peut jamais signifier qu'un point provisoire dans l'orientation du mouvement. Dans sa marche vers le but final, le mouvement historique le déplace incessamment. Ce qu'on appelle l'idéal d'un mouvement ne se trouve point à son terme final; mais il l'accompagne à chaque instant et se déplace avec lui : il voyage avec lui comme la colonne de feu avec Israël. Aussi longtemps qu'un mouvement historique se propose un but final au sens propre du mot, il est prématuré ; il vit encore dans les songes de l'enfance. Sans doute, cette phase est nécessaire. Mais de même que l'enfant grandit, il vient un jour le mouvement historique se rit des espérances enfantines. Si un mouvement historique survit à ce jour, c'est la pierre de touche de son droit à l'existence. Le socialisme a jeté par-dessus bord son « But final » ; mais il possède en revanche un idéal qui, au lieu d'être devant lui, est en lui et lui imprime son empreinte. »
Pour notre part, nous répudions, comme ce sociologue, un socialisme à forme dogmatique et immobilisée. Mais nous admettons la possibilité d'un socialisme dynamique, d'un socialisme en devenir éternel, d'un socialisme porté et créé par les volontés individuelles au lieu de s'imposer à elles, en un mot d'un socialisme qui serait l'Individualisme.
Georges Palante, Précis de sociologie, 2. Auflage, Paris, 1903, S.174-177, 180-181.

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