Februar 03, 2010

101 Jahr Simone Weil

Anlässlich des heutigen Geburtstags von Simone Weil und zum Ende des Jubiläumsjahres, das uns hier in Luxemburg auch eine nicht uninteressante Konferenz von Laure Adler beschert hat, ein paar Zeilen der französischen Philosophin über die Wissenschaft als Dorf und Orakel aus dem vergleichsweise obskuren Text "Réflexions à propos de la théorie de quanta" (1942; enthalten in Sur la science, 1966):

"On sort rarement du village; beaucoup de savants, leur spécialité mise à part, sont bornés et peu cultivés, ou, s'ils s'intéressent à quelque chose en dehors de leur travail scientifique, il est très rare qu'ils mettent cet intérêt en relation, dans leur esprit, avec celui qu'ils portent à la science. Les habitants du village sont enclins à l'étude, brillants, exceptionnellement doués; mais enfin, jusqu'à un âge où l'esprit et le caractère sont en grande partie formés, ils sont au lycée comme les autres et se nourrissent de manuels médiocres. Jamais nul ne s'est particulièrement attaché à développer leur esprit critique. À aucun moment de leur vie on ne les prépare particulièrement à mettre le pur amour de la vérité au-dessus des autres mobiles; nul mécanisme d'élimination ne fait d'une disposition naturelle en ce sens une condition de l'entrée dans le village. Il y a des mécanismes d'élimination, au nombre desquels les examens et concours, mais ils ne portent pas sur l'intensité ou la pureté de l'amour pour la vérité. Cet amour, le goût de l'exactitude et du travail bien fait, le désir de faire parler de soi, la convoitise de l'argent, de la considération, de la réputation, des honneurs, des titres, les antipathies, les jalousies, les amitiés, tous ces mobiles et d'autres encore se mélangent chez les habitants de ce village, comme chez tous les hommes, en proportion variable. Ce village, comme tous les autres villages, est fait d'humanité moyenne, avec quelques écarts vers le haut et vers le bas. Il a des traits singuliers; ainsi le fait d'être périodiquement bouleversé par les changements de mode; tous les dix ans à peu près une génération nouvelle s'y enthousiasme pour de nouvelles opinions. Comme ailleurs, la lutte des générations et des personnes y produit à chaque moment une opinion moyenne. L'état de la science à un moment donné n'est pas autre chose; c'est l'opinion moyenne dans le village des savants. (...)
 
Il n'est donc pas vrai que la science soit une espèce d'oracle surnaturel, source de sentences différentes, certes, d'année en année, mais nécessairement: de plus en plus sages. Car c'est ainsi qu'on se la représente communément aujourd'hui, et l'ivresse que nous éprouvons à crier  'La Science dit que...' n'est même pas refroidie par la certitude qu'elle ne le dira plus dans cinq ans. On croirait - cet égard comme à plusieurs autres - que l'actualité a pour nous valeur d'éternité. Valéry lui-même a parlé plus d'une fois de la science conformément à la superstition commune. Quant aux savants, ils sont, bien entendu, les premiers à faire passer leurs propres opinions pour des sentences dont ils ne seraient pas responsables, dont ils n'auraient à rendre aucun compte, émanées d'un oracle. Cette prétention n'est pas tolérable, car elle n'est pas légitime. Il n'y a aucun oracle, mais seulement les opinions des savants, lesquels sont des hommes. Ils affirment ce qu'ils croient devoir affirmer, en quoi ils ont raison, mais ils sont eux-mêmes les auteurs responsables de tout ce qu'ils affirment, et ils en doivent compte. Ils ne rendent pas ce compte; mais ils ont tort; ils se font tort d'abord à eux-mêmes, car ils ne le rendent pas non plus à eux-mêmes."

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